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Balla, tu es mon Épine: I – L’éveil d’une Lionne – Mariam Camara                                                         

La lune était recouverte d’un brouillard aveuglant, on pouvait s’y perdre autant qu’avec les sentiments.

Au loin, le vent caressait les feuilles du baobab qui semblaient enchaînées. En dix ans elle l’avait vue changer en même temps qu’elle. La seule vue qu’elle pouvait observer, la seule vue qui lui était atteignable.

Cela faisait quelques jours que personne n’était entré dans la pièce. Aujourd’hui c’était le grand jour, pour elle, enfin, pour tout l’empire. Comme si sacrifier sa jeunesse n’était pas suffisant. De toute façon, pour elle, rien n’existait plus, rien n’avait de sens. Sassouma Keita était vide. D’ici quelques heures, tout allait revenir à la normale. Enfin qu’est – ce que la normalité ? se disait-elle. A quoi le monde ressemblait il maintenant ? Cela faisait tant d’années qu’elle n’avait pas mis les pieds sur terre. 

L’aube n’allait pas tarder à faire son apparition, pour la première fois depuis plusieurs années elle pouvait la contempler. Le Mansa avait accepté qu’elle passe la tête par la fenêtre, ce qui semblait être un exploit. Aussi aigri qu’un corbeau, rien ne comptait pour le Mansa à part sa propre personne. Sassouma essayait de se remémorer tous les moments passés dans cette pièce, mais ils étaient tous le même. La seule chose intéressante étaient les poteries.

Posées dans tous les recoins de la pièce, elles étaient recouvertes de fresques représentant le Mandé. Autant les paysages, que la société en elle-même. Celle qu’elle préférait était plus petite, un pot, paré des gravures représentant deux jeunes enfants et une cavalière mystérieuse.

Le ciel entrait maintenant dans sa lueur orangée, les quelques feuilles posées devant la fenêtre imbibées de rosée matinale. Au loin, un homme promenait son troupeau d’ovins, rejoignant petit à petit la clairière. Les mouvements dynamiques des bêtes amusaient Sassouma. Un peulh qui promenait son troupeau vers la brousse, un schéma structurel si simple qu’il attrista Sassouma. Toute sa vie n’avait été qu’une simple pièce, il lui faudrait reconstruire avec les pots cassés.

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Pas à pas des murmures résonnèrent dans le palais. Les servantes accouraient avec impatience pour s’occuper de la fille de l’empereur. Sassouma les fixait d’un regard neutre. 

« Sassouma ! C’est le grand jour ! » s’écria une servante, « Il faut t’habiller, une noble ne peux pas se permettre de … »       

Le regard de Sassouma devint glacial, elle détestait qu’on lui donne des ordres, surtout quand il s’agissait de son apparence. Même seule dans sa prison, elle y prenait soin tous les jours. Le maintien des apparences maintenait sa raison. Elle se levait, et suivi les femmes qui devaient l’accompagner dans sa nouvelle chambre. 

« C’est bon, je suis là ! Est – ce qu’elle est sortie ? » hurla une voix haut perchée. 

Une silhouette qu’elle ne reconnut pas accourait vers elles, portant maladroitement un bol, et trébucha. Sassouma reçu un jet d’eau froide dans les jambes.  Elle frissonna, ce n’était pas comme cela qu’elle pensait être accueillie au palais. 

« Mince, je suis désolé ! » dit la servante « La bonne nouvelle c’est que vous êtes ici n’est – ce pas ? » 

Sassouma leva un sourcil et les yeux au ciel.

« Imbécile ! » Cracha Sassouma avec dédain.    

L’humeur de Sassouma se détériorait alors qu’elle avançait dans le couloir. Cela ne faisait que quelques minutes qu’elle avait quitté son cauchemar, ce n’était pas pour recevoir un jet d’eau d’une abrutie, ruminait-elle. 

Elles longeaient un tunnel légèrement éclairé, Sassouma avait beau en observer les recoins elle n’en avait aucun souvenir.

Un brouhaha incessant se faisait entendre, une servante couvrit la tête de Sassouma d’un foulard. Le Mansa n’avait pas encore annoncé l’heure de la cérémonie, il souhaitait rester le plus discret possible. C’était un homme réservé et méfiant. Il avait toujours fait des concessions pour se protéger, aux dépens de sa famille. Son honneur passait avant tout, même avant sa fille. 

Sa chambre, elle, était restée la même. Elle était toujours aussi spacieuse, et décorée de tissu en bogolan comme l’aimait Sassouma. Elle entra sous le regard des servantes, et passa le doigt sur les poteries couvertes de poussière. Rien n’avait changé.

Une main attrapa soudainement son poignet. Qui oserait ? pensa t’elle, se figeant à la vue de celui qui lui tenait le bras. Elle n’en croyait pas ses yeux. Comment pouvait-il se permettre de l’attraper ainsi ? Après tout ce qu’il lui avait fait. 

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Ina était désemparée, ce qu’elle voulait, elle, c’était travailler dans son atelier, pas faire les corvées dans tout le palais. Le fait que Balla allait la devancer la mettait hors d’elle. Déjà qu’elle était dans son ombre, ce n’était pas le moment de disparaitre. L’insulte que Sassouma lui avait craché à la figure, l’avait énormément perturbée. Elle rajusta son pagne, sortie du tunnel et se précipita vers la chambre de la princesse. Effectuer le travail des servantes ne lui plaisait pas, mais être en retard le premier jour n’était pas sérieux, même si la fille du Mansa ne voulait plus la voir.  

« Inutile de revenir, tu vas encore casser quelque chose. » dit l’une des servantes. 

« Mais c’est un ordre du Mansa, » protesta Ina « je ne peux pas lui désobéir, je vous promets de faire attention. » 

Elle la regarda durement puis sourit.

« Ça nous arrive à toutes…Bon c’est d’accord, mais prends soin cette fois, tu t’occuperas de la tenue de Sassouma ni plus ni moins. » 

Ina acquiesçait, elle voulait absolument trouver sa place. En quelques jours elle avait déjà la réputation d’être une petite maladroite inutile. Elle entra dans la pièce, et vit Balla qui tenait fermement le poignet de Sassouma. Son frère avait encore frappé.

« Balla ! Que fais – tu ? » demanda Ina en se plaçant face à son frère. 

Il retira rapidement sa main, l’air nerveux.

« Je suis désolé, je vous ai pris pour un bandit. » marmonna Balla. « Excusez-moi. » dit-il, et quitta la pièce.

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Son visage couvert, personne ne savait ce que ressentait Sassouma. Seules ses mains tremblantes étaient visibles. Elle ne répondit rien et s’assit sur une chaise. Les servantes se précipitèrent vers elle.

« Tout compte fait, Ina, prends ta matinée. » lui dit la servante. 

Ina se sentait à la fois soulagée et déçue. Elle avait l’impression d’avoir échoué à sa mission en mettant mal à l’aise Sassouma. Mais elle était ravie de pouvoir continuer ses poteries.

Ina se précipita derrière son frère.

« Balla qu’à tu fais ? Je t’ai vu lui attraper la main. »

« Pourquoi en faire toute une histoire ? Ce n’était qu’une bonne n’est – ce pas ? » 

« Oui bien sûr, ce n’était qu’une simple bonne … » Chuchota Ina.

« Apparemment Sassouma va bientôt sortir, cette nouvelle me déplait fortement. » dit Balla. 

« Et pourquoi cela ? C’est la fille du Mansa il était évident qu’il allait la laisser sortir un jour ou l’autre, et puis tu travailles pour lui, donc tu devras la supporter. »

« Oui c’est évident, mais après tout ce qu’elle m’a fait endurer… »

« Ce n’était qu’une enfant à cette période tu ne … »

Balla envoya une gifle sur la joue d’Ina. Il avait toujours été violent, mais depuis quelques temps il était toujours en colère contre elle.

« Mes ennemies sont aussi tes ennemies, grave bien ces paroles dans ta tête. Je refuse que tu t’approches d’elle. » 

« Mais je travaille pendant quelques jours pour le Mansa, je ne peux pas me permettre de … »

« Trouve une excuse, mais je ne veux pas te voir proche d’elle. »

Ina acquiesça, Balla était son frère ainé, c’était la seule chose qu’elle pouvait se permettre de faire.

« Où vas-tu ? » demande Ina.

« Je vais travailler à l’atelier. » dit Balla.

Balla entretenait une relation privilégiée avec le Mansa. Le succès de ses poteries rapportait un énorme capital à l’empire. Les royaumes et empires voisins se jetaient sur les poteries de Niani. Les poteries signées Balla passaient même les frontières de la Méditerranée.

« Moi aussi il faut que je… »

« Non ! » s’écria-t-il, « Je…enfin… Ne va pas là-bas, tu devrais te promener un peu dans la cour. »

Pourquoi Balla se montrait aussi nerveux ? Avait-il quelque chose à cacher ? 

Ina voulait absolument le découvrir, mais elle devait d’abord se soigner, la gifle qu’elle avait reçue lui avait légèrement ouvert la joue. Balla et la douceur, deux antithèses. Ina désinfecta sa plaie avec quelques herbes médicinales que la reine lui avait offertes lors de leurs voyages à Tombouctou, elle ne se doutait pas qu’elle en aurait utilisé à cause de Sassouma. Ina était sous la protection de la reine, depuis qu’elle travaillait avec Balla. Les poteries de celle-ci avaient touché la sensibilité de la reine. C’était la seule qui croyait au potentiel créatif d’Ina. 

La reine était bloquée aux alentours de Gao, elle ne pourrait très certainement pas assister à la sortie de sa propre fille. Ina se demanda comment leurs retrouvailles allaient se passer. Sassouma avait tout de même passée dix ans de sa vie enfermée, comment retrouver des personnes sur qui elle comptait pour la protéger, mais qui lui avaient tourné le dos tant d’années ? 

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Le vent, soufflant dans les feuilles, laissait entrevoir le soleil à son zénith, la fin de la matinée se faisait sentir. Sassouma avait finalement pu se retirer du palais. Les servantes lui accordaient trop d’égard à son goût. Elle ne pouvait plus s’habiller seule, manger seule ni faire sa toilette seule. 

Dans le jardin elle se sentait mieux. Ici aussi rien n’avait changé. L’herbe, fraiche et verte d’un côté, et asséchée aux couleurs d’or de l’autre. Le baobab géant, et le baobab sans branches étaient toujours au fond du jardin.

Sassouma marcha à vive allure, elle voulait savoir si tout était toujours là, au pied du baobab. Les herbes fouettaient ses petites jambes délicates. Elle avait oublié de mettre ses sandales. L’impatience grandissait en elle, toutes ces années enfermées, accrochée au merveilleux souvenir d’enfance qu’elle avait concocté avec le prince et la princesse du royaume de Sosso avant que son père décide de l’enfermer.

Son pagne s’envolait à l’allure du vent, quelques grimaces se faisaient voir sur son visage, depuis quelques secondes elle renaissait. Elle s’élançait le long des arbustes, déplaçant les branches qui la gênaient, piétinant les mangues tombées des arbres, mais plus elle s’avançait et plus les herbes mouillées s’asséchaient, crépitantes sous ses pas.  Plus elle s’avançait et plus les arbres perdait en couleurs, la verdure timide devenant ocre. Sassouma accéléra, et devant le géant baobab, plus rien. Les décorations avaient disparu, les couronnes de feuilles qu’elle avait concoctées avec ses amis avaient fanées. 

Elle s’agenouilla, essayant de déterrer le peu de poteries qui restaient entre les racines noueuses de l’arbre mais en vain. Les poteries qui avaient bercé son enfance n’étaient plus que poussière. Elle éparpilla les feuilles d’un buisson, et y vu un trou béant. Si profond qu’aucune lumière n’y était perceptible. Elle y passa la main et un vent fort l’aspira. Sassouma recula brutalement, surprise et intriguée, mais pas effrayée.  Elle remit doucement sa main dans le trou, et des petites gouttelettes se posèrent sur ses doigts. L’humidité lui faisait un bien fou, l’emportant doucement… 

« Sassouma ! Il est l’heure de rentrer ! La fête à finalement lieu plus tôt ! » s’écria une servante.

« Votre mère est bientôt arrivée, elle est dans les alentours de Niani. »

Sassouma se retourna brutalement face à l’annonce de la servante.

« Ma mère…de retour… » chuchota Sassouma, ébahie.

« Oui c’est formidable, toute la famille sera réunie à nouveau, comme avant. » dit une autre servante venant d’arriver. 

« Je ne veux pas que ma mère me voie jusqu’à la cérémonie, je ne veux pas qu’elle s’approche de moi. »

« Mais c’est… »

« C’est un ordre. » dit – elle gentiment.

Les servantes n’avaient d’autre choix qu’obéir, attiser la colère de Sassouma n’était pas une option. La reine était une femme douce, généreuse et compréhensible elle saurait respecter la décision de sa fille qui ne pouvait être définitive. 

Une fois dans sa chambre, Sassouma avait l’impression d’être retourné à la case départ. De nouveau tout avait disparu, de nouveau rien n’existait plus. Un ou deux reflets dans l’obscurité, et la voilà apparente. La voici, une lumière qui prenait sa place dans cette obscure clarté, une trace incertaine, bâclée, bâclée, pouf une flaque, miroir cassé. Sa trace ne se voyait plus dans l’obscurité, retour à la citadelle, enchaînée. Dans l’obscurité, elle n’était plus lumière, la voilà qui devenait lugubre. La voilà qui devenait faux-semblant. 

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Ina lavait ses mains imbibées de terre.

« Comment est – ce possible ? Elle ne veut pas voir sa mère, sa propre mère ! » Vociféra-t-elle.

Elle avait du mal à ingérer la nouvelle, la reine avait toujours été une femme sans défaut à ses yeux. Elle ne comprenait pas pourquoi sa fille ne le voyait pas. Peut-être, après tout ce temps, l’avait-elle oublié. 

« Moins fort Ina, elle risque de t’entendre. » dit une domestique. 

« La reine s’est toujours souciée d’elle, je ne comprends pas pourquoi elle ne veut pas lui parler… »

« C’est temporaire, elle passera bientôt à autre chose, fait lui confiance. » 

Ina sorti de l’atelier, bien qu’elle ne connaissait pas la princesse, elle savait qu’elle pourrait lui faire changer d’avis sur la reine. Elle traversa le couloir, pour retourner dans la chambre de Sassouma. Il y avait tellement de pièces qu’elle était perdue. Deux couloirs s’offraient à elle, elle décida de prendre celui de droite. Elle regretta très vite son choix. Le chemin était dépourvu de lumière, elle peinait à avancer, mais une lueur s’échappait de l’embrasure d’une porte.

Peut – être que Sassouma est à l’intérieur se dit -elle. 

Elle avança sur la pointe des pieds. Des voix rauques se faisaient entendre, impossible que cela soit Sassouma, Ina avait souvent payée le prix de sa curiosité mais ne pouvait s’empêcher d’écouter.

« Le temps presse, on n’a pas d’autres options, Balla. » dit un homme. 

« Le Mandé sera à moi très prochainement, lieutenant, je sens que ce n’est pas le moment de prendre le pouvoir. » dit Balla. 

« J’ai des mauvaises intuitions depuis que Sassouma est de retour, je pense qu’il faut agir vite, très vite. »

« Justement sa venue va occuper le Mansa, il n’y a absolument rien à craindre. » 

Ina était désemparée. Son frère préparait un coup d’état. Il était vrai qu’il avait des attitudes de plus en plus étranges. Plus évasif, plus violent. Malgré tout ce qu’elle endurait, Ina essayait toujours de voir les bons côtés de son frère aussi infimes soient-ils. Mais il ne s’agissait plus que d’elle, mais de la sécurité de tout l’empire.

Balla et l’étranger ouvrirent la porte, et s’éloignèrent peu à peu. Elle avait peu de temps. Il lui fallait trouver la chambre de Sassouma pour tout lui expliquer. Elle ne faisait confiance à personne dans ce palais, excepté la reine, mais en son absence…

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Ina traversa la place du grand marché. Les longs voiles, et les pagnes colorés étaient de sortie. La place du marché était remplie de tentes, et de fruits écrasés. L’odeur de la viande de rue chatouillait ses narines. Les femmes se ruaient pour avoir une tenue convenable pour la cérémonie, les hommes achetaient leurs plus beaux boubous. Tout le monde était dans l’ambiance pour fêter le retour de Sassouma, sauf Ina. Elle avait le pressentiment que la fête ne se passerait pas comme prévu.

« Ina ! » hurla la servante, dont Ina ne connaissait toujours pas le nom, mais semblait la trouver ou qu’elle soit.

Elle se retourna agacée, ce n’était pas le moment. 

« Je sais que je t’ai donné ta journée mais est – ce que tu pourrais juste me tenir les habits de Sassouma, car je suis débordé. Il faut juste que j’aille chercher ma tenue chez la couturière. »

Ina sourit. Elle ne savait pas comment elle aurait pu entrer dans la chambre de Sassouma sans se faire prendre.  Elle en voulut moins à sa collègue, elle venait de lui offrir une opportunité en or. 

« Oui bien sûr, je t’attends. » répondit elle.

La servante fila, et Ina s’empara du bac, s’élançant vers la chambre Sassouma. Le contenu était lourd, les nombreux bijoux à l’intérieur ne lui facilitaient pas la tâche. Ina remettait sans cesse en question sa décision, car cela pourrait changer le cours de l’Empire.

Elle ne comprenait pas les motivations de son frère. Le Mande était stable, prospère. Balla n’était qu’un potier. Il ne faisait pas partie du monde de la noblesse. Ses poteries étaient reconnues partout, qu’est – ce qu’il voulait de plus ? 

Une fois devant la chambre, elle toquait à la porte attendant une réponse. Mais rien. Sassouma ne répondait pas. Ina enfonça alors brutalement la porte à l’aide du bac.

« Je suis venue avec votre tenue pour ce soir… »

Sassouma était assise face à un miroir brisé. Malgré l’entrée d’Ina, elle ne bougea pas d’un poil. Sa présence ne lui faisait ni chaud ni froid, ce qui ne lui plaisait pas du tout. 

« Je sais qu’on n’est pas partie sur de bonnes bases, mais il serait plus judicieux de répondre car la fête à lieu ce soir. » 

Sassouma se retourna vers Ina, son visage toujours couvert. Quelques courants d’air brisant le silence de la pièce.

« Je pose ça ici. » dit Ina.

Sassouma ne réagit toujours pas.

« Bon, il faut que je vous dise quelque chose. » ajouta Ina. 

« Si c’est au sujet de ma mère, je ne veux pas la voir pour l’instant, ça ne sert à rien de vouloir me convaincre. »

« C’est ce que je voulais vous dire, enfin… Non, j’avais autre chose à dire mais… »

« Si tu ne sais pas quoi dire tais toi, tu éviteras une autre catastrophe. »

« Justement si je ne dis rien une catastrophe se produira. »

Sassouma se tourna vers Ina et baissa le voile qui recouvrait son visage. Elle avait un teint ébène, qui contrastait avec le tissu bleu qu’elle portait. Ses cheveux étaient en longues tresses perlées, ressemblant à une couronne. C’était le portrait craché de sa mère. 

« Balla veut prendre le contrôle du Mandé… Il faut faire quelque chose. »

Sassouma ne s’y attendais pas, Balla prendre le pouvoir de l’Empire ? Cela semblait impossible. 

« Comment l’as-tu découvert ? » demanda t’elle, sceptique. 

« J’ai entendu une conversation entre Balla et un homme de l’armée, il faut agir vite ! »

Sassouma regardait Ina gesticuler en vain. Elle se calma, et fixa Sassouma du creux de l’œil. 

« Pourquoi tu me fixes comme ça ? Que veux-tu que je fasse ? » Demanda Sassouma.

« Il faut absolument qu’on aille voir le Mansa ! »

« Il ne se passera rien… Je ne pense pas que Balla va assiéger le Mandé il n’est que potier après tout. Fait moi confiance je sais ce qu’il me reste à faire… Combien de temps avant le début de la cérémonie ? » demanda Sassouma.

« Le Mansa a décidé d’avancer la célébration, j’espère que tu es prête. » dit Ina. 

« Ma mère n’est pas arrivée, mon père ne commence jamais les cérémonies tant qu’elle n’est pas là. »

« Je sais, mais il a ordonné que l’on commence malgré l’absence de votre mère. C’est étrange, votre père s’est également absenté, qu’elle est l’utilité de la maintenir… »

Sassouma laissa Ina la vêtir, reprit le voile, le mis sur sa tête pour cacher son visage, et suivit Ina qui l’emmenait malgré elle à la cérémonie. 

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La chaleur qui s’était emparée du Mandé commençait à s’atténuer. Contrairement à ses gardes, la Reine Anta la supportait facilement. Elle revenait du désert, la chaleur lui manquait presque mais il lui tardait d’arriver à Niani. Revoir sa fille après tant d’années était son souhait le plus cher mais comment la regarder en face après ce qui lui était arrivé ?

Anta et ses gardes s’arrêtèrent à un point d’eau. Elle se mit debout sur un rocher, regardant son reflet dans l’eau. La vieillesse ne semblait pas l’atteindre, sa peau ébène contrastait également avec son voile bleu, et ses tresses ornées de perles rappelaient celles de Sassouma. Elles étaient comme un reflet dans un miroir. La seule distinction qu’elle avait avec sa fille était les innombrables grain de beauté présent sur son visage. 

Me ressemble-t-elle encore aujourd’hui ? pensa-t-elle.

La reine rentrait le cœur lourd à Niani. Elle avait passé un merveilleux moment à Tombouctou, mais elle portait dix ans de culpabilité sur les épaules, en plus des nombreuses poteries achetées pour décorer le palais.

Elle leva la tête et vit un attroupement de bergers et paysans qui accourait vers elle. 

« Pourquoi tout ce raffut ? » hurla un garde.

« Une attaque a été lancé il y a quelques minutes dans les alentours de Kangaba. » dit un berger. « Je ne sais pas s’il s’agit de bandits ou d’une armée. »
La reine sursauta. Une attaque ? Cela n’avait aucun sens. Le Mande était fort. Mais le moment n’était pas à la spéculation. La reine descendit du rocher et remonta à cheval.

« Gardes ! Encerclez les habitants et protégez les ! Préparez-vous pour une attaque ! »

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Des claquements réguliers de sabots résonnaient au loin, et un attroupement de civils fit son apparition sur la place du marché de Niani. Bonne nouvelle, se dirent les quelques commerçants n’ayant pas écoulés leurs stocks avant la fête.

Mais l’attroupement ne ressemblait guère à celui de clients de dernière heure. Les civils se bousculaient les uns les autres, hurlant des phrases incompréhensibles.

« Ils arrivent ! » s’écria une vieille dame, se cachant derrière un stand d’igname.

Petit à petit l’incompréhension laissait place à la peur. Des cavaliers étranges se tenaient à l’entrée du palais. Ils arboraient des tenues différentes des soldats de Niani. Leur chef portant un turban vert émeraude qui semblait atteindre le ciel. Un petit châle cachait sa bouche et son nez. Il avait un boubou qui lui arrivait à la hauteur du genou et un sarouel étanche orné de motifs, son cheval aussi élégamment paré que lui. 

La foule était fébrile. Les enfants se réfugiant derrière les genoux de leurs mères alors que quelques hommes s’étaient armés de machettes.

L’homme enroulé de tissus leva son sabre vers le soleil en faisant dresser sa monture, et hurla une phrase qui n’était ni du malinké, ni du soninké et encore moins du peulh, et l’armée s’avança au trop vers la place du marché, écrasant les personnes âgées devant eux.

Des servantes entrèrent en furie dans le palais, un mouvement de foule ce fit sentir à l’extérieur. L’armée étrangère passa aux galops, sabres levés.  

Ina était pétrifiée. Sassouma attrapa la main de celle-ci, l’entrainant dans une course folle. Sassouma n’avait jamais couru aussi vite de sa vie. L’écho des sabots se faisait plus proches. Elles arrivèrent au jardin, courant le long des herbes sèches, dépassèrent le baobab et se mirent face aux buissons. Sassouma dégagea les feuilles encombrantes, et se retrouva face au trou.

« On va très certainement se faire trancher la tête et vous m’emmenez devant un trou ! » S’écria Ina. 

« Il ne faut pas tirer de conclusion hâtive. » dit Sassouma.

Elle passa délicatement sa main au travers, des gouttelettes se déposant sous son bras. Soudain Sassouma virevolta, aspirée dans le vide, des ronces s’accrochant sur son pagne. Ina se jeta dans le trou, tentant tant bien que mal de rattraper Sassouma mais en vain. Elles s’enfonçaient toutes deux, la lumière du jour disparaissant derrière elles. La seule chose qu’elles ressentaient était de l’humidité. 

Elles s’écrasèrent sur de la mousse, manquant de peu un rocher à quelques pas d’elles.

Sassouma se releva brusquement, elle mourrait d’envie de savoir où elles se trouvaient. Son acolyte quant à elle, était défraichie, son visage couvert de boue et d’herbe.

« Il faut qu’on commence à avancer. Voir où cela va nous mener. » dit Sassouma. 

« Et si on retournait au palais ? Imaginez un instant que ce n’est qu’un rêve ou pire un piège ! »

Sassouma secoua la tête, désespérée à l’idée d’effectuer ce voyage avec une poule mouillée.

Il fallait absolument qu’elle découvre ce qu’il y avait derrière la grotte. Elle ne comprenait pas pourquoi Ina voulait faire demi-tour. Le fait même d’être aspirée par un trou ne semblait pas l’intéresser. 

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Les cavaliers avaient encerclé le palais, mais étrangement cette armée fulgurante n’avait pas l’air de vouloir attaquer.

Balla se sentait prêt, depuis plusieurs mois il s’entrainait secrètement corps et âmes. Le Mansa s’était absenté, c’était le moment de prouver sa force.

« Soldats, le temps presse il faut agir ! » s’écria t’il.

« Où est le général Konaté ?! » demanda un soldat. 

« Il est parti à la recherche de la reine. » dit un fantassin « Il y a des rumeurs selon lesquelles la caravane de la reine est introuvable ! »

Aucun autre chef d’armées n’était présent, et le Mansa était absent.

« Soldats ! Je vous donne l’ordre de monter sur le toit du palais, des arcs y sont gardés. Nous allons tenter de vaincre l’ennemi par le ciel ! Il faut également un groupe au sol ! A vos sabres ! »

Les hurlements de la foule devinrent plus insistants. Les soldats hésitaient à suivre un potier, aussi influent soit-il, mais c’étaient leurs parents et leurs amis qui mourraient dehors.

Les soldats exécutèrent les ordres. Balla rejoignit les archers. C’était pour lui le moment de faire ses preuves. Les étoiles se perdaient dans le ciel bleu nuit. Balla les contemplait, ferma les yeux et s’imagina les conséquences de ses actes. Il se coucha sur le toit, s’emparant d’un arc et de flèches. Les archers autours de lui faisaient de même, les flèches fusant vers l’ennemi. Au sol, les fantassins prenaient facilement le dessus sur les étrangers, bien trop facilement. 

« Balla… On s’est trompés. » dit l’un des archers. « Ce n’est pas une armée étrangère mais des simples bandits ! »

La plupart des cavaliers avaient disparus, il ne restait plus que quelques hommes à terre.

« Fausse alerte, descendons, les soldats attraperont les bandits. » 

Balla et ses hommes descendirent du toit, les mystérieux attaquants ayant pris la fuite. Balla et les soldats aidant les blessés et déplaçant les corps, quand un groupe de cavaliers approcha, entourant le Mansa.

« Que ce passe – t – il ici ?! » Hurla l’empereur.

« Des bandits ont attaqué le palais. » dit Balla.

« Pourquoi y a t’il autant de flèches au sol ? » demanda le Mansa.

« C’était un ordre de Balla. » dit un soldat.

Le Mansa se retourna, le visage serré, vers Balla. C’était la première fois qu’il le regardait ainsi. 

« Balla rejoint moi dans la salle du trône, et vite ! »

Le Mansa descendit de sa monture, et se dirigea furieusement vers son trône.

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Balla ne comprenait pas l’attitude du Mansa, il avait pourtant tenté de sécuriser le palais comme il le pouvait. Pensif, il ramena le cheval de l’empereur à l’écurie, allait-il se faire renvoyer de la cour ? Ou pire bannir ? Il avait besoin d’en parler se rendant compte à ce moment de l’absence d’Ina. Où est-elle passé ? s’interrogea t’il. 

Il rentra, nerveux, dans la salle du trône, sous le regard menaçant du Mansa. 

« Préparer une action d’une telle ampleur pour des simples bandits, Balla, c’est irresponsable ! Sans me consulter en plus ! Imagine juste si des soldats avaient perdu la vie pour cela ?! » 

« Mansa je pensais bien faire, des cavaliers étranges avait fait leur apparition et aucun général n’était présent. Il fallait absolument que quelqu’un protège les habitants ! »

« Il y a tellement de soldats plus expérimentés que toi qui auraient pu prendre le relais enfin… Balla, tu es potier ! Qu’est – ce qui t’a pris ? »

« Je serais prêt à tout pour protéger ma patrie et la chérir. » dit – il, « Je ne suis que de caste d’artisan, cela est vrai, mais je manie avec précision les armes, Mansa… »

Le Mansa écouta attentivement Balla, surpris par la manière dont il avait su gérer les troupes. 

« Bon, ça va pour cette fois, en tout cas je te félicite pour la manière dont tu as géré cette petite crise avant la cérémonie. » 

« Je vous remercie, Mansa. Je… »

« Balla, aujourd’hui je me suis absenté avant la cérémonie pour rencontrer des émissaires et tenter d’apaiser les tensions entre Zazzau et Niani. »

« Zazzau… mais qu’avons-nous à voir avec ce peuple ? » demanda Balla.

« Leurs soldats s’approchent beaucoup de la frontière ces derniers temps. J’ai d’ailleurs pu parler à des gardes qui m’ont affirmé te contraire de loin. »

La tension de Balla virevolta. 

« J’avais de la famille qui commerçait à Zazzau, il y a de cela quelques années, c’est très certainement à cause de cela. » dit – il, cachant son tremblement.

« Je comprends. » dit le Mansa se satisfaisant de son explication hâtive. « J’avais comme l’impression que tu avais quelque chose à me demander. »

« Oui, Mansa. » dit – Balla, « Comme je vous disais. J’aime ma patrie, je suis prêt à tout pour la défendre, et si en plus Zazzau a des vues sur nous, alors…. Permettez-moi de rejoindre le corps de l’armée. » 

Le Mansa était surpris de la demande de Balla, il arrivait que certaines castes rejoignent l’armée mais il n’avait jamais eu une telle demande de la part d’un forgeron.

« Je vais réunir le conseil, on décidera de ton sort. » 

Balla sourit, comment le Mansa pourrait-il refuser ? Il pouvait enfin mettre en marche son plan.  

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Cela ne faisait que quelques minutes que les deux jeunes filles arpentaient un chemin sinueux, qui leur semblait pourtant éternel. La respiration d’Ina s’accélérait, ses pieds lui faisaient mal. Elle s’agrippait comme elle le pouvait au mur. Sassouma était subjuguée par la beauté de la grotte, et les dessins gravés sur les murs. Des soldats soninkés, armés de leurs sabres se précipitant vers une contrée lointaine. Un festival sous la peine lune dont le sens est depuis longtemps perdu. De simples paysages, et le passage de la vie. Aucun accomplissement de son père n’était présent, il devait donc s’agir d’un autre royaume. Mais lequel ? L’ambiance de la grotte lui rappelait indescriptiblement des souvenirs de son enfance.

« J’en peux plus. Je t’attends ici. » dit Ina se jetant à terre. 

« Mais c’est extrêmement dangereux, je ne peux pas te laisser là. Si on se perd comment on va faire pour rentrer à Niani ? »

« C’est vous qui nous avez ramené ici, je n’ai rien demandé moi. »

« Il y a surement une bataille qui se prépare. C’est pour notre sécurité. »

« Non je ne pense pas qu’une bataille a lieu, je suis sûre que c’est un plan de Balla. La situation s’est obligatoirement stabilisée… Moi je fais demi-tour. » 

« Comme tu veux alors, moi je continue. »

« Comment allez-vous retrouver votre chemin ? » demanda Ina.

« Je trouverais une solution comme toujours. »

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Sassouma continua sa route.

Devant elle, un léger faisceau lumineux attirait son attention. Elle prit ses jambes à son cou, il ne fallait absolument pas qu’elle perde de vu la lumière. Celle-ci disparaissait petit à petit, plus elle s’avançait et plus elle s’éloignait. Le chemin s’arrêta soudainement. Une fente se faisait voir dans le mur de la grotte, mais où la mènerait – elle ? 

Sassouma essayait tant bien que mal de passer à travers la fente, sa silhouette svelte était à son avantage. Une fois de l’autre côté c’est avec stupeur qu’elle se trouvait dans la place du marché, couverte de tentes et de fruits écrasés, d’une ville inconnue. La grotte derrière elle ayant disparue. Cela ne ressemblait pas à Niani. Elle marcha petit à petit, vers une vieille dame assise dans l’ombre d’une tente. 

« Tu as l’air perdu, je peux t’aider ? » Dit la vieille dame.

Elle parlait un malinké emmêlé, avec un accent qui n’était pas propre à Niani. Vêtue d’un pagne violet qui recouvrait tout son corps, des cernes et d’énormes rides creusaient son visage.

« Euh, oui… Je ne sais pas du tout où je suis, est – ce que vous pouvez m’éclairez ? »

« Comment ça tu ne sais pas où tu es ? On est dans le royaume de Sosso. Tu te moques de moi ? Toi, une servante du palais ? Les jeunes franchement… » dit -elle en s’en allant. 

Une servante du palais ? Sassouma regarda ses vêtements déchirés. Elle était sous le choc. Cela faisait tant d’années qu’elle n’avait pas mis les pieds ici. Depuis que son père était ennemi avec le royaume de Sosso, elle n’en n’avait plus jamais entendu parler. C’était une occasion qu’elle ne devait pas louper. Il fallait qu’elle aille parler au roi et à la reine de Sosso. 


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« Halte ! Qui va la ?! »

Sassouma se retourna brusquement, un soldat était derrière elle, prêt à l’attaquer.

« Je… Je suis une servante. » Dit Sassouma par réflexe « J’ai sorti le linge de la reine maintenant il faut que je retourne au palais. » 

Le garde sembla hésiter mais à sa surprise, la laissa passer.  

« Bon, passe mais dépêche-toi, ne traine pas. » dit-il. 

« Oui bien sûr, merci beaucoup… à demain ! » dit – elle en s’en allant. 

A demain ??? pensa-t-elle. Qu’est ce qui m’a pris…

Il lui manquait de peu pour ce faire attraper, comment pouvait-il la croire ?

Elle entra dans le palais. Elle se souvenait de l’endroit exact où se trouvait la salle du trône, marchant le long de couloirs familiers mais étrangement vides. Ou étaient donc tous les gardes ? Etant enfant elle était toujours impatiente d’arriver dans ce royaume. C’était un lieu de réunion pour l’empire et les royaumes voisins. Son père l’y emmenait souvent, pour elle c’était comme un grand jardin. Elle s’amusait avec les nombreux enfants de Sosso. Tout était sublimé par leurs imaginations. Les écuries se transformaient en salle de tournoi, la grande prairie non loin de la place du marché en hippodrome. 

La salle du trône était immense. L’architecture en terre cuite formait des grands ovales autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Des masques immenses et des crânes étaient posés délicatement sur le mur. Un long tapis en or massif ce tenait face aux trônes.  Le trône des Kanté était orné de koris et d’or. Un grand miroir, debout derrière les trônes, reflétait la pièce, doublant sa taille et sa profondeur.

La reine la fixait d’un regard glacial. Ses cheveux étaient tressés et orné de perles, recouvert d’un fichu bleu nuit posé délicatement sur sa tête. Elle portait un long pagne sombre, aussi sombre que son regard. Soumaoro Kanté était assis aux côtés de son épouse, sa peau brune ce contrastait avec la peau sombre de sa femme. Ses doigts étaient parés de bagues en argent, sous un boubou en bogolan orangé. 

Sassouma se vit dans le miroir, et compris pourquoi la vieille dame était offensée. Pourquoi le garde l’avait cru sur parole. Dans le miroir, Sassouma apparaissait vêtue d’une robe blanche de servante du Sosso.

« Qui est tu ? » demanda calmement la reine, « comment as-tu pu rentrer dans le palais ? »

« Je suis… je suis Sassouma Keïta. La fille de Mansa Ibrahim, empereur de Niani. ».

A ces mots, son reflet changea, et elle apparut dans sa robe royale, déchirée et maculée de boue.

Le roi et sa reine se figèrent. Sassouma avait été un grand réconfort pour leurs enfants. La revoir dix ans plus tard, dans un tel état, était un choc. 

« Sassouma, je ne m’attendais pas à ta visite, encore moins en pleine nuit, seule et aussi débraillée. Et par quelle magie as-tu… »

« Ma chère reine. » L’interrompit Sassouma, bien incapable d’expliquer quoi que ce soit. « Le temps presse. J’ai besoin de vous et de votre générosité. » Elle soupira et dit, « Il faut absolument que votre armée envahisse Niani, mon père souhaite plus que le contrôle du Mandé, mais Zazzau, et Sosso aussi. Il n’y a rien de bon en lui. Rien ni personne, sauf vous et moi, pouvons faire quelque chose pour l’arrêter. »

Le grand Soumaoro s’était mis à rire. 

« Sassouma, Sassouma. » susurra-t-il, « Tu n’es qu’une gamine inexpérimentée qui a passé sa vie enfermée, que peux-tu faire pour le Mandé ? » 

« Oh, grand Soumaoro, je ne veux point avoir une gouvernance sur le Mandé, la seule chose que je veux, c’est détruire mon père et contrôler Niani. Un potier, y a aujourd’hui, tenté un coup d’état. » 

Soumaoro Kanté se leva brusquement. 

« Ton père a toujours été un incapable, comment un potier peut – il tenter ouvertement de prendre le pouvoir ? Le Mansa est vraiment irrécupérable, et il croit pouvoir dominer le Sosso ? Nous allons t’aider. » 

Sassouma allait enfin pouvoir se débarrasser de son père, mais à quel prix ?

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Ina sorti de la grotte, ses vêtements légèrement mouillés. Elle était certaine que l’attaque aux alentours du palais n’était pas bien grave, ne comprenant pas pourquoi Sassouma était entêtée à savoir ce qu’il y avait derrière cette grotte.

Avant de quitter définitivement le jardin, Ina cueillit une fleur. Elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à une espèce réputée pour donner des hallucinations. Ina voulait se persuader que ce qui c’était produit n’était en réalité que cela. Mais alors, où était Sassouma ?

Une fois au palais, on pouvait entendre les mouches voler. Personne n’était à l’intérieur, mais une masse de personnes s’était rassemblée autour du djéli personnel du Mansa, formant un énorme cercle autour d’une estrade. Ina avait du mal à entendre ce que disait le djéli. Elle s’approcha, et c’est avec stupeur que Balla fit son apparition. Ina lâcha la fleur sans s’en rendre compte et s’avança vers son frère. Il ressemblait au soleil qui se refugiait derrière la lune.

Il avait bien caché son jeu.

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Mariam Camara est une lycéenne française, d’origine malienne. Elle écrit depuis ses années collège, et publie pour la première fois une nouvelle dans le magazine Omenana. Elle a toujours aimé le fait que les mots deviennent des phrases pour prendre un sens plus profond. Dans ses écrits de genre contemporain, fantastique, historique, et autres, elle aborde des thématiques sociétales anciennes mais toujours d’actualité, et souhaite offrir une réflexion sur le monde qui l’entoure. Dans sa première publication, Balla tu es mon épine, elle nous plonge en 1533, dans l’empire du Mali, en Afrique de l’ouest.

Bonne lecture.

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